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Le coût d'une démission (2014-08-07)

  

lE COÛT D’UNE démission

 

Par Me Charles Laflamme

Juillet 2014

 

La Cour Suprême a rendu une décision ce 25 juillet 2014 qui met fin à un suspense qui durait depuis un certain temps et qui opposait les procureurs des normes du travail à ceux représentant les employeurs.

 

La question est simple : si un(e) employé(e) démissionne en vous disant qu’il partira dans 3 semaines, pouvez-vous lui dire de partir tout de suite sans avoir à lui payer un préavis?

 

C’est ce qu’a dû déterminer la Cour Suprême dans le cas de Commission des normes du travail c. Asphalte Desjardins inc., où un employé qui était chargé de projets depuis 1994 donnait sa démission le 15 février 2008 à son employeur en mentionnant qu’il quittait ses fonctions le 7 mars, croyant que ce délai laisserait amplement de temps pour terminer ses dossiers et permettre un transfert de dossier correct à son successeur. Le préavis est prévu à l’article 2091 du Code civil qui stipule :

 

2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé.

 

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.

 

1991, c. 64, a. 2091.

 

De ce fait, l’employé avait respecté les principes dictés par le Code civil. La question n’est pas de savoir si le délai congé était suffisant, mais question est que l’employeur, après avoir tenté de convaincre son employé de rester chez lui sans succès, lui a demandé de quitter tout bonnement le 19 février, mettant ainsi fin à tout contrat de travail.

 

La Cour Suprême est venue établir que quoique l’employé avait donné sa démission, un contrat de travail existait toujours et aurait dû exister jusqu’au 7 mars. De ce fait, le 19 février, l’employeur, en demandant le départ de son employé, créait lui-même la fin d’emploi et de ce fait, se devait de donner un préavis de délai congé.

 

Il est à se poser la question quel est le délai qu’aurait dû donner l’employeur. Dans le jugement rendu par la Cour Suprême, la Commission des normes du travail n’avait réclamé que les 3 semaines et de ce fait, le juge n’a accordé que ce délai. Mais sous la plume de l’Honorable juge Wagner, la Cour Suprême se pose la question : est-ce que le délai de l’article 82 de la Loi sur les normes du travail devrait s’appliquer? 

 

82. Un employeur doit donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail ou de le mettre à pied pour six mois ou plus.

 

Cet avis est d'une semaine si le salarié justifie de moins d'un an de service continu, de deux semaines s'il justifie d'un an à cinq ans de service continu, de quatre semaines s'il justifie de cinq à dix ans de service continu et de huit semaines s'il justifie de dix ans ou plus de service continu.

 

L'avis de cessation d'emploi donné à un salarié pendant la période où il a été mis à pied est nul de nullité absolue, sauf dans le cas d'un emploi dont la durée n'excède habituellement pas six mois à chaque année en raison de l'influence des saisons.

 

Le présent article n'a pas pour effet de priver un salarié d'un droit qui lui est conféré par une autre loi.

 

1979, c. 45, a. 82; 1980, c. 5, a. 7; 1990, c. 73, a. 36; 1999, c. 40, a. 196.



Il est certain qu’en vertu de l’article 2091, l’employé n’aurait pu toucher plus que les 3 semaines du fait qu’il était clair qu’il quittait à ce moment et qu’il n’aurait pu faire une preuve d’une nécessité d’un délai plus long. Toutefois, l’article 82 est statutaire et prévoit des délais en fonction du nombre d’années de service. La Cour Suprême ne se prononce pas sur ce point, n’ayant pu entendre les arguments des parties, mais soulève une question qui devra être tranchée un jour ou l’autre. En effet, il se pourrait qu’un employé qui dépose un préavis de fin d’emploi le 1er juin disant qu’il démissionnera le 15 juin, et qui aurait 15 ans de service continu, pourrait-il se voir accorder 8 semaines de préavis si vous le remerciez d’ores et déjà? Ceci est une question qui n’est pas que théorique. En effet, tout comme dans le dossier sur lequel la Cour Suprême s’est penchée, l’employé d’Asphalte Desjardins allait travailler pour un compétiteur. Est-il désirable, alors que votre employé vous a dit qu’il irait travailler chez un compétiteur dans 3 semaines, de le garder au sein de votre entreprise? Des mesures devront donc être prises et étudier les possibilités de garder à son emploi l’employé pendant lesdites semaines en lui permettant ou lui demandant de travailler à partir de son domicile ou de convenir du paiement desdites semaines de préavis sans les travailler.

 

Il ne faut pas confondre la présente décision avec d’autres décisions qui ont été rendues ultérieurement dans lesquelles l’employé démissionnaire offrait sa démission sur-le-champ ou de rester quelque temps selon les besoins de l’employeur. En effet, la Cour Suprême mentionne qu’il y a une différence à voir, car dans le cas où l’employé offre de rester quelque temps, il est prêt à partir immédiatement et le fait que l’employeur refuse l’offre de rester quelque temps créé plutôt une rencontre de volonté entre l’employé et l’employeur pour mettre immédiatement fin à l’emploi.

 

En bref, si vous êtes un employeur, vous devrez donc tenir compte de cette décision de la Cour Suprême : 2014CSC 51, no de dossier : 35375 à savoir Commission des normes du travail c. Asphalte Desjardins.

 

 

 

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