L’hypothèque légale de la construction est une garantie pour protéger les créances de la personne ayant participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble.
Pour bénéficier de l’hypothèque légale, vous devez avoir participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble soit à titre d’architecte, d’ingénieur, de fournisseur de matériaux, d’ouvrier, d’entrepreneur (général ou spécialisé) ou de gérant de projet (seulement pour les travaux de construction que vous avez effectués). Il est important de détenir une licence valide et appropriée de la Régie du bâtiment car le propriétaire pourra demander la radiation de l’hypothèque que vous avez inscrite, à moins qu’il savait que vous ne déteniez pas une licence conforme.
Elle prend rang avant toute autre hypothèque et permet d’être payés pour la plus-value associée au coût des services, travaux et matériaux de construction incorporés à l’immeubles et ce, à même l’immeuble visé par les travaux.
Les travaux, services ou matériaux visés
Il doit s’agir des services fournis ou préparés pour l’avancement de l’ouvrage, tel l’architecte qui a préparé les dessins des plans et devis. Il faut toutefois que les ouvrages prévus dans les plans aient été réalisés. Pour les travaux, ils se doivent d’être de construction, d’agrandissement ou de rénovation. Les simples travaux de réparations permettant à l’immeuble de conserver sa valeur ne sont pas visés. Toutefois, si les travaux de réparations sont majeurs, ils pourront être considérés comme des travaux de rénovation, c’est souvent le cas à la suite d’un incendie ou d’une inondation. Les travaux de corrections des malfaçons et les travaux d’entretien ne donnent pas droit à l’hypothèque légale.
Les matériaux de construction ne seront visés par l’hypothèque légale que s’ils sont incorporés à l’immeuble ou ont servi à l’avancement des travaux, tel le bois de coffrage. La simple livraison des matériaux sur le site ne suffit pas mais, dans le cas de la faillite du propriétaire ou de l'entrepreneur, vous conservez alors votre droit de fournisseur impayé. Vous pourrez reprendre les matériaux vendus et livrés qui n’ont pas encore été utilisés pour la construction et ce, dans les 30 jours de la livraison.
Pour être protégés par l’hypothèque légale, les services, travaux ou matériaux doivent avoir été demandés par le propriétaire de l’immeuble ou son mandataire. Il est donc important de vous assurer que celui qui demande les travaux est bien le propriétaire ou que le mandat est valide. En principe, les travaux demandés par le locataire ne donnent pas droit à l’inscription d’une hypothèque légale.
La dénonciation du contrat
Lorsque vous n’avez pas contracté directement avec le propriétaire, vous devez lui dénoncer votre contrat par un avis écrit. Le but de la dénonciation est d’informer le propriétaire que vous avez obtenu un contrat et de lui permettre de retenir une somme suffisante pour acquitter votre créance. Dans certaines situations, il sera nécessaire de faire une recherche de titre pour trouver le vrai propriétaire. Cette recherche vous permettra aussi de trouver la désignation cadastrale de l’immeuble, information nécessaire lors de l’inscription de l’avis d’hypothèque légale. Il est primordial de transmettre cette dénonciation avant le début des travaux ou avant la première livraison des matériaux sinon l’hypothèque légale ne sera valide que pour la partie des travaux ou la fourniture des matériaux suivant cette dénonciation.
La dénonciation doit être adressée au propriétaire et contenir la description de l’immeuble visé, lesnoms de l’entrepreneur général et du sous-traitant ou fournisseur de matériaux, la nature et la valeur approximatives des travaux ainsi qu’une mise en garde qu’une hypothèque légale pourra éventuellement être inscrite sur l’immeuble. La dénonciation doit idéalement être transmise par huissier ou par courrier recommandée avec accusé-réception. Une copie conforme de la dénonciation peut également être transmise à l’entrepreneur général et/ou au créancier.
L’immeuble et la créance visés
L’hypothèque légale grève l’immeuble visé par les travaux. Il ne doit pas s’agir d’un immeuble insaisissable tel un immeuble municipal d’utilité publique (parc, rue, marché, réservoir d’eau) ou un immeuble du gouvernement du Québec et du gouvernement fédéral, à moins qu’il n’en soit prévu autrement par une loi ou un règlement.
L’hypothèque légale protège le paiement de votre créance jusqu’à concurrence de la plus-value donnée à l’immeuble par l’ensemble des travaux. Dans le cas d’une construction neuve, la plus-value se calcule facilement selon le coût des services, des travaux et des matériaux fournis lors de la construction. Toutefois, ce calcul de la plus-value est plus difficile lors de travaux de rénovation. Cette plus-value ne sera pas nécessairement égale au coût des travaux, services et matériaux.
L’hypothèque légale protège également les taxes, l’intérêt, les frais judiciaires et honoraires d’avocats raisonnables pour recouvrir votre créance.
L’hypothèque légale de la construction inscrite sur une copropriété
L’article 1051 C.c.Q. prescrit que l’hypothèque légale de construction inscrite en regard des travaux exécutés sur l’ensemble de l’immeuble se divise entre les fractions, selon la valeur relative de chacune ou selon toute autre proportion prévue.
C’est pourquoi chaque copropriétaire peut être tenu responsable, en proportion de la valeur relative de sa fraction, de sa part dans le paiement de l’hypothèque légale. Chacun pourra alors faire radier l’hypothèque légale inscrite sur sa fraction après avoir versé sa part de la charge au détenteur de l’hypothèque.
Devant le refus ou la contestation des copropriétaires intéressés, le titulaire de l’hypothèque légale pourra exercer un recours contre chacun des copropriétaires jusqu’à concurrence de la quote-part attribuée aux fractions.
Si un jugement est rendu en faveur du titulaire de l’hypothèque légale, il pourra soit requérir la vente en justice de l’unité, soit prendre en paiement l’unité concernée, dépossédant ainsi le propriétaire de sa fraction.
L’avis d’hypothèque légale
Pour conserver votre droit à l’hypothèque légale, vous devez inscrire un avis d’hypothèque légale au bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de l’immeuble avant l’expiration d’un délai de 30 jours suivant la fin des travaux. L’avis d’hypothèque légale doit également être signifié au propriétaire de l’immeuble par huissier. L’avis devra contenir les mentions exigées par la loi. Cet avis ne devrait être préparé que par un professionnel du droit.
Pour calculer le délai de 30 jours, il faut déterminer la date de fin des travaux. Il n’y a qu’une date de fin des travaux comprenant tous les sous-contrats et contrats de fourniture. Selon la loi, c’est lorsque «l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine». S’il y a plans et devis, il y a fin des travaux lorsque tous les items décrits aux plans et devis sont exécutés. La réception de l’ouvrage, le certificat de fins des travaux et l’occupation du bâtiment par le propriétaire ne sont pas des preuves absolues de la fin des travaux. Les corrections aux travaux déjà effectués ne retardent pas la date de fin des travaux pourvu que l’ouvrage puisse servir à l’usage auquel il est destiné. Il y a toutefois fin des travaux à la date où le propriétaire avise qu’il met fin aux travaux et abandonne le projet.
Le préavis d’exercice hypothécaire
Pour conserver votre droit à l’hypothécaire légale, votre avocat devra prendre un recours dans les 6 mois suivant la date de fin des travaux. Si vous avez contracté directement avec le propriétaire, vous pourrez choisir d’intenter une action personnelle contre ce dernier ou exercer un recours hypothécaire contre l’immeuble en inscrivant un préavis d’exercice hypothécaire. Si vous n’avez pas contracté avec le propriétaire, vous ne pourrez qu’exercer un recours hypothécaire en inscrivant le préavis. Le préavis d’exercice hypothécaire doit être signifié au propriétaire. Par la suite, votre avocat pourra prendre les procédures utiles pour exercer la prise de l’immeuble en paiement, la vente de l’immeuble en justice, la vente de l’immeuble par le créancier ou la prise temporaire de l’immeuble pour administration.
Renonciation à l’hypothèque légale
Il est possible au propriétaire de conclure avec vous d’une convention de renonciation à l’hypothèque légale. Une telle convention de renonciation peut également être imposée dans les contrats entre l’entrepreneur général et ses sous-traitants et fournisseurs. Toutefois, vous ne pouvez renoncer au droit de publier une hypothèque légale. Si vous renoncez à l’hypothèque légale vous devriez toutefois vous protéger en exigeant la substitution de l’hypothèque légale par une autre garantie inconditionnelle et irrévocable. Il pourrait s’agir d’une somme placée en fidéicommis dont le fiduciaire s’est engagé à détenir jusqu’à jugement final ou d’une garantie bancaire irrévocable.